Pierre Boulat
Souabie, pépinière de génies
Il est, au sud-ouest de l’Allemagne, une province souriante et romantique. C’est la Souabie, le pays des vergers en fleurs, des vertes collines et des forêts profondes. Les villes s’y étirent au milieu des vignes, dans les rivières les maisons fleuries de géraniums mêlent leur reflet aux pétales de roses et des châteaux se dressent surplombant des précipices, peuplés d’ombres mystérieuses.Pauvre en minerais, manquant d’importance stratégique, la Souabie a gracieusement survécu à l’épreuve du temps et de l’histoire depuis que les Romains ont envahi sa terre, et payé son tribut à l’Allemagne laborieuse en produisant plus que sa part de génies.
Souabe était le grand philosophe Albertus Magnus, qui fit jaillir la renaissance aristotélicienne, Martin Heidegger le précurseur de Sartre et Friedrich Hegel le précurseur de Marx, Lohan Kepler, qui à demi-aveugle établi une vue plus claire du système solaire… Trois siècles plus tard, Einstein, Souabe lui aussi, dira de lui qu’il était « l’un des rares hommes incapables de faire autrement que de défendre ouvertement ses convictions. »
Souabes fut aussi Robert Mayer, qui formula la loi de la conservation de l’énergie, Ferdinand Zeppelin, dont les ballons rapprochèrent les hommes de la suprématie du ciel et Gotlieb Daimler pionnier du moteur à combustion.
Souabes furent encore le peintre Mathias Grünewald et le prix Nobel de littérature Herman Hesse.A l’université de Tûbingen, qui produit toujours de brillants théologiens, Hegel partageait une chambre avec Friedrich Schelling et le poète tragique Friedrich Hölderlin. Bertold Brecht d’Ausburg, à la frontière de la Souabie, n’oublia jamais que sa mère était native de la Forêt Noire.
Personne ne sait vraiment pourquoi ce petit triangle, entre le Neckar et le fut si fertile en génies.
Peut-être y trine-t-il encore quelque sortilège oublié par Faust.